Puisque beaucoup de nouveaux livres consacrés aux bébés n’intègrent pas ces découvertes, nous avons décidé de rédiger un article synthétique, vulgarisé et à jour des connaissances scientifiques, qui détaille ce que peuvent voir les bébés et la façon dont leurs compétences évoluent après la naissance.
Avant d’essayer de comprendre ce que peut voir le nouveau-né, attardons-nous sur les quatre étapes qui composent la vision :
Pour que la vision d’un être humain soit bonne, ces quatre étapes doivent se dérouler sans accroc. Or, chez le nouveau-né, ce sont les deux dernières étapes qui posent le plus de problèmes. Contrairement à ce qu’on lit généralement dans les magazines et les livres dédiés aux bébés, la deuxième étape de mise au point est innée. Les nouveau-nés sont capables de faire la mise au point des objets situés dans leur champs de vision, qu’ils soient situés à plusieurs dizaines de mètres ou juste devant leur nez.
Avec un bémol toutefois : ils n’ont pas d’emblée un bon contrôle des muscles ciliaires qui permettent au cristallin de faire cette mise au point. Ils vont mettre environ 2 mois, à force de s’exercer, avant de réussir à maîtriser finement ce jeu de contraction musculaire. D’ici là, la précision de leur mise au point va osciller : elle sera parfois juste, parfois trop proche, parfois trop lointaine.
Si les nouveau-nés ont du mal à voir le monde qui les entoure, ce n’est donc pas à cause de la mise au point, mais en raison de la qualité du signal électrique transmis au cerveau et de l’interprétation qui est faite de ce signal. Pour reprendre l’exemple de l’appareil photo, le problème n’est pas la pellicule, mais l’appareil qui va transformer cette dernière en photographies. Deux raisons expliquent ces difficultés : l’immaturité des zones du cerveau associées à la vision et l’immaturité de la fovéa, une zone de la rétine spécialisée dans la vision des détails.
De ce fait, même si votre bébé fait correctement la mise au point des objets qu’il regarde, son cerveau ne parvient pas toujours à lui transmettre une image mentale fidèle à notre monde.
Une étude conduite par l’Institut Smith-KettlewelI à San Francisco a permis de mesurer l’acuité visuelle des bébés et des tout-petits. Au cours du premiers mois, ils ont estimé que les bébés avaient une acuité visuelle de 2/10 sur l’échelle Monoyer. Ce qui se traduit par la capacité à voir les deux premières lignes de ce test optométrique bien connu (le ZU, puis le MCF), qu’on a tous fait un jour à l’école. Dès le 4ème mois, la note monte en moyenne à 3,5/10, voire à 4/10. Et à 8 mois, le système nerveux et le cerveau sont suffisamment mûrs pour aboutir à une note de 6,5/10, très proche de l’acuité visuelle d’un adulte.
Ne croyez pas cependant que votre nouveau-né ne voit pas clair : même à 2/10, il dispose d’un univers visuel riche. Lorsque vous montrez votre pouce à une distance de 50 cm de ses yeux, il est 6 fois plus gros pour lui que la lettre E du test de l’échelle Monoyer. Cela signifie bien que votre bébé est capable de voir vos yeux, vos lèvres, votre nez, vos sourires dès la naissance. On est loin du « brouillard flou » que décrivent certains ouvrages.
Deux problèmes limitent la capacité des nouveau-nés à bien distinguer les détails : l’immaturité du cerveau, dont nous avons déjà parlé, et l’immaturité d’une zone précise de la rétine spécialisée dans la vision des détails, la fovéa. Contrairement à la rétine périphérique, qui donne une impression générale du champ de vision, la fovéa est spécialisée dans la précision… mais aussi dans la fine perception des couleurs ! Cette immaturité les empêche donc, au moins jusqu’à 2 mois, de bien distinguer les détails et les contours complexes des objets, ainsi que les petites variations de couleurs.
On voit fleurir de plus en plus de jouets, d’illustrations et de mobiles en « noir et blanc » sous prétexte que les bébés ne percevraient pas bien les couleurs ou qu’ils préféreraient ces deux couleurs.
Les deux points avancés sont plutôt justes : la perception des couleurs est encore en développement et les nouveau-nés sont attirés, de manière réflexe, vers les formes et les figures présentant de hauts contrastes. Or, le noir et le blanc sont les deux couleurs présentant le contraste maximal. Mais pourquoi faudrait-il appuyer cette préférence, alors qu’ils sont également capables dès la naissance de distinguer deux nuances de gris qui diffèrent de seulement 5 % de taux de contraste ? Et qu’ils vont progresser très rapidement en la matière, puisqu’à l’âge de 9 semaines, cette différence palpable est réduite à 0,5 % (contre 0,2 % chez les adultes) ? Ainsi, à deux mois, ils ont une capacité suffisante pour percevoir des nuances aussi subtiles que les ombres des nuages, le clair-obscur d’un visage, le dégradé d’un ciel de l’aube… Tout ce qui fait la richesse visuelle de notre monde !
Les parents ont parfois l’impression que les bébés ont une couleur favorite, souvent le rouge ou le bleu. Même si c’est difficile d’être sûr que le bébé soit bien attiré par la couleur et non par la brillance, les contrastes ou les contours des objets qu’ils regardent, la chose est tout à fait possible.
En effet, contrairement à ce qu’on entend parfois, les bébés perçoivent d’emblée les couleurs, et peuvent, par exemple, distinguer un objet rouge d’un objet vert lorsqu’ils sont bien éclairés. Les récepteurs de la fovéa ne sont pas suffisamment matures pour qu’ils distinguent les différences de couleur subtiles (comme par exemple le rouge-brique et le rouge framboise, ou le bleu pétrole et le bleu canard), mais permettent d’apprécier les couleurs tant que les objets sont bien éclairés et suffisamment contrastés.
D’après le professeur Russel Hamer, éminent chercheur en neurosciences, il serait sans doute davantage profitable de l’aider à explorer de nouvelles subtilités, par exemple avec des jouets et mobiles bébé richement colorés (mais présentant des nuances de couleurs assez nettes) et des figurines contrastées. Plutôt que de compter uniquement sur des objets du quotidien pour contribuer à son développement visuel, il précise également qu’il vaut mieux interagir avec le bébé et ces objets, par exemple en jouant avec lui ou en lui expliquant ce qu’il voit (les couleurs du mobile, les figurines, son univers…).
Bouger les yeux pour bien voir est essentiel. Mais cela demande une coordination qui n’est pas si simple : les deux yeux doivent transmettre quasiment la même image pour que le cerveau puisse l’interpréter correctement. Et c’est une coordination que les nouveau-nés ne maîtrisent pas à la naissance. Ils vont s’entraîner pendant au moins 8 semaines avant de parvenir à transmettre la même image tout en suivant les objets qui bougent. C’est au cours de cette période qu’on les surprend parfois à loucher, c’est-à-dire à avoir temporairement les yeux dans des directions différentes, comme un strabisme.
Cela ne les empêche toutefois pas de suivre un objet dès la naissance, s’il est suffisamment grand, s’il présente assez de contrastes par rapport à l’arrière-plan et s’il ne bouge ni trop rapidement ni trop lentement. Jusqu’à 3 mois, vous constaterez sans doute que les mouvements des yeux du bébé sont saccadés, parce que la coordination n’est pas encore maîtrisée. Et s’il y a beaucoup d’activité dans la pièce, comme d’autres objets en mouvement, ne comptez pas sur eux pour rester longtemps concentré sur le même objet !
L’immaturité de la coordination oculaire les empêche très probablement d’avoir une vision en 3D à la naissance. En effet, le cerveau a besoin des images fournies par chacun des deux yeux pour recréer une image tridimensionnelle fidèle. De récentes études suggèrent que cette perception de la profondeur de champ ne s’acquiert pas avant le 3ème mois, sans doute même le 5ème mois.
À la naissance
À 2 mois
À 4 mois
Sources & Références
La « purification » (« smudging » en anglais) est une pratique spirituelle très répandue chez les peuples autochtones d’Amérique, mais qu’on retrouve également chez de nombreux peuples du monde, en particulier au niveau des zones circumboréales. Elle consiste à brûler des plantes (fraîches ou séchées) pour en dégager de la fumée, laquelle est considérée comme un agent « purifiant », capable d’attirer les bons esprits et repousser les mauvais. On expose ensuite l’objet à cette fumée, très aromatique et peu persistante, pour le purifier selon des rituels codifiés, spécifiques à chaque ethnie. C’est une pratique qui n’est pas effectuée partout de la même manière chez les amérindiens, ni avec la même intensité, ni avec la même fréquence, ni avec les mêmes matériaux.
Les objectifs de la purification :
Quelles sont les plantes idéales pour purifier un attrape-rêve ?
Chaque peuple avait sa « recette » de purification. Les travaux de recherche et les témoignages des amérindiens indiquent cependant qu’il existait une base commune, dont font partie les quatre types de plantes fraîches suivantes :
Précisons tout de même qu’une même plante peut avoir des significations différentes selon les groupes autochtones.
Cueillette de sauge blanc dans la réserve des Navajo, destiné aux rituels de purification. Photographie de Chuck Cocker.
Il est tout à fait possible de purifier vous-même votre attrape-rêve si vous souhaitez valoriser les traditions des peuples autochtones d’Amérique du Nord. Cette pratique peut contribuer à renforcer les effets bénéfiques de l’attrape-rêve.
Voici la démarche que je propose pas à pas (et que j’utilise pour purifier les attrape-rêves du Nuage et la dune).
Illustration du matériel nécessaire à la purification en extérieur en vue d'une cérémonie Anishinabe.
En cas de doute, ne prenez pas de risque : il est plus simple aujourd’hui, et moins dangereux, d’utiliser de l’encens. Vous pouvez également vous inspirer de cette vidéo, dans laquelle on retrouve Debra Courchene, conseillère culturelle spécialiste des peuples autochtones : https://youtu.be/6fIMumk2cnA.
Faut-il « nettoyer » régulièrement ses attrape-rêves ?
Les attrape-rêves fabriqués par les peuples autochtones n’étaient pas prévus pour durer plusieurs années : ils étaient refaits régulièrement et facilement avec de nouveaux matériaux naturels (écorce de bouleau, perles de coquillages, perles d’os…). Il n’était donc pas utile de les « nettoyer » au sens premier du terme.
De nos jours, cependant, quand on se décide à confectionner ou acheter un attrape-rêve, c’est généralement pour la vie ! Il peut donc être utile de s’écarter des pratiques traditionnelles pour préserver l’éclat de votre attrape-rêve dans le temps, en le nettoyant à l’occasion avec un pinceau très fin pour ôter les poussières (toujours dans le sens des plumes). Mieux vaut éviter d’utiliser de l’eau, du savon ou de l’alcool sauf en cas de réelle nécessité.
Voici une technique sèche pour éliminer les mauvaises odeurs, utile si vous avez placé votre attrape-rêve dans la salle à manger ou à proximité de la cuisine :
Sources
Les plus cartésiens d’entre vous ne croient pas à la « magie » de ces objets porte-bonheur, alors que paradoxalement, les études scientifiques démontrent, sans aucune contestation possible, l’impact positif de ces objets sur un certain nombre de facteurs. À première vue, ils reposent effectivement sur des croyances « irrationnelles », selon lesquelles un objet, qui n’est pas lié de façon logique à une suite d’événements, peut en influencer positivement le cours. Mais, en réalité, les études scientifiques nous montrent que c’est dans le cerveau, que la « magie » opère.
Attardons nous d’abord sur les amérindiens, et notamment des Ojibwés qui sont à l'origine des attrape-rêves, pour comprendre ce phénomène complexe.
Comme bien des civilisations, les peuples autochtones d’Amérique du Nord ont développé une cosmogonie extraordinaire, qui a servi de cadre de lecture du Monde qui les entourait. Les croyances, les récits mythologiques, les mythes fondateurs et les symboles partagés par les Ojibwés leur permettaient de décrire et de justifier les événements du monde observable. Aucun peuple n’accepte d’être longtemps dans l’inconnu : tous fabriquent à long terme des histoires et des mythes qui expliquent pourquoi ils sont là et ce que sont les éléments qui les entourent.
Aujourd’hui, les connaissances scientifiques acquises ces derniers siècles suggèrent que la majorité des croyances amérindiennes – comme la plupart des croyances religieuses ou spirituelles - sont « invraisemblables » ou « irrationnelles », mais pour les amérindiens, elles étaient plausibles, sinon incontestables. Ils avaient une foi absolue en leur système de croyances, et si l’on se réfère à la littérature scientifique moderne, c’est cette foi qui rendait leurs superstitions et leurs objets porte-bonheur (dont les attrape-rêves font partie) vraiment efficaces.
En effet, la littérature scientifique récente montre que posséder un objet que l’on croit réellement associé à la chance ou effectuer une action susceptible de nous porter chance (superstition) peut vraiment augmenter nos chances de réussite dans une épreuve donnée (compétition, examen, guérison, défi, reconversion, etc.) et élever le niveau de nos performances. Au cours d’une étude menée en 2010, des psychologues allemands ont demandé à deux groupes d’étudiants de faire une partie de mini-golf. Ils ont donné, à chacun des deux groupes, des balles de golf classiques, mais ils ont dit aux élèves du second groupe que leurs balles étaient un peu différentes, qu’elles portaient « chance ». Après que la partie fut finie, ils ont pu constater que les élèves qui croyaient jouer avec des balles « spéciales » avaient des performances 35 % plus élevées que celles du premier groupe.
Et les études qui soulignent cet avantage inattendu sont nombreuses. Elles suggèrent toutes que les porte-bonheur ne portent pas vraiment bonheur mais qu’ils influent positivement sur un certain nombre de paramètres psychologiques qui eux-mêmes contribuent au succès et à la « chance » :
En clair, si vous pensez qu’avoir un objet fétiche lors d’une épreuve peut vous porter chance, vous augmentez vos chances de réussite dans cette épreuve [6][7] grâce à l’amélioration globale de plusieurs facteurs cognitifs.
Dès lors, la prévalence des porte-bonheur et des superstitions à travers les cultures, les âges et les aires géographiques n’est plus une surprise [8][9]. Tout comme la part importante des sportifs de haut niveau et des étudiants, deux catégories d’individus mis sous pression et confronté à une épreuve, à opter pour des gris-gris ou des routines superstitieuses [10]. Leurs croyances « irrationnelles » marchent vraiment parce qu’ils ont le sentiment que ça peut marcher.
D’accord, les attrape-rêves sont vraiment efficaces pour les amérindiens, puisqu’ils croient dur comme fer en leurs mythes et légendes. Mais qu’en est-il des personnes occidentales comme nous qui n’avons pas hérité de ces traditions orales ? Est-ce que ces objets peuvent être efficaces pour nous aussi, en n’y croyant… qu’à moitié ? La question est légitime. Et là aussi, la communauté scientifique s’y est attardée.
Il apparait qu’on est tous doté de deux « systèmes » de raisonnement cognitif pour nous aider à réfléchir, croire et prendre des décisions. Le premier, le « système 1 », serait le plus rapide. Il fonctionne de manière inconsciente ou automatique, en se basant davantage sur l’intuition lorsque nous manquons de connaissance sur un sujet. Le second, le « système 2 », est plus lent et plus exigeant : il fonctionne de manière rationnelle, analytique et logique. Il faut décider de le mettre en marche pour qu’il fonctionne, et éventuellement, pour qu’il corrige le « système 1 » si celui-ci s’est trompé.
Seulement voilà, l’activation de ce deuxième système demande un véritable effort, qui n’est pas toujours fourni par l'individu. Si celui-ci a toujours cru en une théorie, et qu’un nouvel élément permettant de la discréditer survient, il aura du mal à « activer » le système 2 par peur de découvrir qu’il s’est trompé pendant tant d’années.
Il peut également arriver que le système 2 contredise le système 1, mais que la personne décide malgré tout de ne pas corriger son erreur initiale. Elle se retrouve alors dans un entre-deux paradoxal - « Je pense que cette superstition n’a aucun fondement rationnel, mais on ne sait jamais. » ou « ça n’a aucun sens, mais j’ai envie d’y croire » - extrêmement répandu. Un tel paradoxe expliquerait pourquoi nous sommes très nombreux à croiser les doigts, à ne pas ouvrir un parapluie dans la maison ou à toucher du bois en sachant pertinemment que ça n’a aucun fondement rationnel.
D’après les études scientifiques, ce paradoxe surviendrait plus facilement si le renoncement à la correction du système 1 par le système 2 n’entraîne aucun inconvénient ou inconfort majeur et si l’effort à fournir pour suivre le système 1 est mince.
Si vous marchez le long d’un trottoir et que vous tombez soudain nez à nez avec une grande échelle accotée au mur d’une maison, il y a de grandes chances que vous préfériez contourner l’obstacle plutôt que de passer au-dessous. Pourtant, au fond de vous, vous savez très bien que cette superstition n’a pas vraiment de sens, et que passer sous cette échelle n’aura très probablement aucune conséquence pour vous. Mais puisque l’effort à fournir pour éviter l’échelle est mince, et que cela ne présente pas d’inconvénient de faire ce détour, vous préférerez tout de même écarter le risque, infime, que la superstition ait un fond de vérité.
Le même phénomène se produit avec les porte-bonheur. Dans certaines circonstances, les personnes les plus cartésiennes peuvent se doter d’un porte-bonheur, et y croire sans y croire (le fameux paradoxe), si l’effort à fournir pour s’approprier cet objet est mince (cadeau, dons, prix abordable...) et n’entraîne pas d’inconvénient, s’il a d’autres atouts (par exemple s’il est joli, s’il a été fait par un artisan, s’il soulève des histoires intéressantes) et s’il présente des traits ayant une ou plusieurs signification(s) personnelle(s).
Alors, pour eux aussi, la « magie » peut opérer : croire (temporairement ou non) en des choses auxquelles on ne croit pas réellement, peut, selon les mêmes mécanismes, provoquer des conséquences cognitives et psychologiques positives.
C’est ainsi que les attrape-rêves peuvent « marcher » pour les personnes qui ne considèrent pas les légendes amérindiennes comme des vérités indiscutables, et pour celles qui veulent jouer à y croire, même à moitié.
Avec ses possibilités de personnalisation (couleurs, choix des matériaux), ses enchantements (des vœux qui peuvent cibler directement certains profils) et la purification de ses attrape-rêves, Le Nuage et la dune s’efforce de maximiser cet effet « porte-bonheur » en rendant les attrape-rêves plus personnels et porteurs de sens.
Par ailleurs, même si la cosmogonie amérindienne n’apparait pas très rationnelle de premier abord, elle peut constituer un substitut séduisant à la cosmogonie scientifique, qui permet davantage d’éliminer des croyances et des théories, que d’offrir un éclairage clair et définitif sur l’origine du monde et du sens de la vie. Contrairement aux mythologies, les théories scientifiques fournissent davantage de questions que de réponses, et sont par essence sujettes régulièrement à de profonds remaniements. Il est donc compréhensible qu’une partie de la population occidentale soit charmée par les mythologies amérindiennes et puisse être convaincue, au moins temporairement ou partiellement, de l’efficacité de ces objets sacrés dans un monde de plus en plus désenchanté…
En résumé…
Références scientifiques
[1] Richard Wiseman; Caroline Watt (2004). Measuring superstitious belief: why lucky charms matter. , 37(8), 1533–1541. doi:10.1016/j.paid.2004.02.009
[2] Schippers, M.C., & Van Lange, P.A.M. (2006). The psychological benefits of superstitious rituals in top sport: A study among top sportspersons. Journal of Applied Social Psychology, 36, 2532–2553.
[3] Day, L., & Maltby, J. (2003). Belief in good luck and psychological well-being: The mediating role of optimism and irrational beliefs. The Journal of Psychology, 137, 99–110.
[4] Day, L., & Maltby, J. (2005). “With good luck”: Belief in good luck and cognitive planning. Personality and Individual Differences, 39, 1217–1226
[5] Bandura, A., & Schunk, D.H. (1981). Cultivating competence, self- efficacy, and intrinsic interest through proximal self-motivation.
[6] Feltz, D.L., Short, S.E., & Sullivan, P.J. (2008). Self-efficacy in sport. Champaign, IL: Human Kinetics.
[7] Damisch, L.; Stoberock, B.; Mussweiler, T. (2010). Keep Your Fingers Crossed!: How Superstition Improves Performance. Psychological Science, 21(7), 1014–1020. doi:10.1177/0956797610372631
[8] Jahoda, G. (1969). The psychology of superstition. London: Allen Lane/Penguin Press
[9] Vyse, A. (1997). Believing in magic: The psychology of superstition. New York: Oxford University Press
[10] Lobmeyer, D., & Wasserman, E.A. (1986). Preliminaries to free throw shooting: Superstitious behaviour? Journal of Sport Behavior, 9, 70–78.
]]>Ils sont traditionnellement constitués d’un cercle de 5 à 30 cm de diamètre, formé par des brindilles de saules courbées et attachées entre elles, et d’un filet, apparenté à une toile d’araignée, conçu à partir de feuilles d’ortie ou de tendons d’animaux chassés. L’ensemble est ensuite décoré avec des perles, des plumes et des matériaux naturels divers (os, branches de bois, laine, cônes…) et symboliques.
Les occidentaux les ont découverts au cours de la conquête du continent américain, mais c’est seulement à partir du XIXème siècle, qu’ils ont cherché à comprendre leur histoire et les raisons qui poussaient les amérindiens à les fabriquer. Au contact des Ojibwé du Lac Supérieur, l’ethnologue Johann Georg Kohl est le premier à décrire l’usage de ces objets mystiques, qu’il associe à des « talismans » ou des « amulettes magiques ». En discutant avec les femmes du groupe, il apprend que ces objets sont utilisés principalement pour protéger les enfants des maladies et du mauvais sort : le filet retient les mauvais esprits comme le ferait une toile d’araignée qui attraperait des insectes.
Plus tard, l’anthropologue Béatrice Blackwood découvre à son tour ces dispositifs protecteurs, souvent accrochés aux porte-bébés traditionnels, les tikanagan. C’est elle qui choisira le mot occidental « attrape-rêve » bien que sa première idée, le « filet d’envoûtement », soit sans doute plus juste sur le plan sémantique.
On réalise ensuite que ces dispositifs protecteurs ne sont pas réservés aux enfants : par extension, ils sont censés éloigner le mauvais sort susceptible de toucher la communauté toute entière. En particulier, lors des deux périodes les plus importantes des amérindiens : la chasse et le sommeil.
Au risque de décevoir une partie des lecteurs, les attrape-rêves ne sont pas des objets qui aident à s'endormir. Contrairement à ce que leur nom occidental laisse croire, ils ne sont pas uniquement destinés à « attraper » les mauvais rêves : ils protègent des esprits malveillants pouvant survenir de jour comme de nuit, comme les maladies, les périodes de disette, les accidents de chasse, la malchance...
Alors pourquoi l’anthropologue Béatrice Blackwood a-t-elle décidé de les baptiser « attrape-rêves » ? Cette mauvaise traduction est une longue histoire.
Béatrice Blackwood a très vite compris l'importance des rêves dans la vie de la grande famille des Anichinaabés. Chez eux, on explique très tôt aux enfantsque les rêves aident les rêveurs à mieux s’adapter au monde et qu’ils agissent comme des portails de communication avec les personnes « surnaturelles ». Pour ceux qui savent les décrypter, les rêves donnent des éléments et des informations capitales pour les succès futurs de la chasse, les décisions stratégiques à prendre pour le campement, la gestion du quotidien... C’est pourquoi les jeunes enfants sont encouragés à retenir leurs rêves très tôt, à les raconter et à les analyser. Plus une personne rêve, plus elle est éclairée, inspirée, chanceuse, créative. On prétend ainsi que les personnes qui décorent le mieux leurs vêtements et leurs habitations sont celles qui rêvent le plus. Ainsi, les Ojibwés pensent que tout ce que peut faire un homme à la chasse, il doit le rêver d’abord.
Certains rêves sont différents : ils font intervenir des « visiteurs » (les powatakan), qui peuvent être des humains (vivant ou morts), des animaux ou des éléments sacrés (le feu, le vent, le soleil…). Ces « visiteurs » sont particulièrement recherchés et vénérés, parce qu’on considère qu’ils ont de grands pouvoirs pour aider les rêveurs dans leur vie réelle, mais ils peuvent également les blesser et affecter négativement leur existence.
Au cours de son immersion, Béatrice Blackwood a remarqué que ces dispositifs en toile d'araignée étaient particulièrement considérés au moment du coucher, par l'ensemble de la tribu. D'après la légende, la toile pouvait filtrer les "mauvais" visiteurs et dans le même temps, attirer les plus bienveillants. Ceux susceptibles d'éclairer positivement le quotidien des rêveurs. Les premiers rayons du soleil se chargent ensuite de brûler les esprits malfaisants, à l'aube.
Cette légende lui a paru si belle, si fondamentale aux yeux des amérindiens, qu'elle a baptisé ces dispositifs protecteurs "attrape-rêves". En oubliant, que ces filets d'envoûtement filtrent également les esprits malveillants le jour et les coups du sort comme la malchance et la maladie.
Note importante : ces croyances peuvent paraître saugrenues aujourd’hui dans le monde occidental, mais elles ont pourtant été partiellement validés par la communauté scientifique au cours des dernières années.
Divers travaux ont montré que nous faisons deux types de rêves :
Sans les connaissances scientifiques modernes, les amérindiens ont bâti un système de croyances étonnement proche de la réalité. L’attrape-rêve est le symbole de ce système en voie de disparition. Il se heurte à la vision occidentale dominante qui sacrifie le sommeil, le sens du collectif, le folklore, l’écoute de soi et l’observation.
L’avoir près de soi, avant d’aller se coucher et en se levant le matin, aide à se rappeler que chacun de ces éléments sont importants dans la vie de tous les jours.
Un grand nombre de communautés ethniques amérindiennes ont longtemps revendiqué être à l’origine des attrape-rêves. On peut notamment citer les Navajo, les Lakota, les Sioux, les Huron, les Crees, les Mohawks, les Cherokee, les Iroquois et les Ojibwés. Aujourd’hui, les derniers travaux laissent penser que ce sont les Ojibwés - un peuple vivant dans l’actuel Canada - qui ont été les premiers à concevoir les attrape-rêves dans la forme que nous connaissons actuellement. Mais, en réalité, il s’agit d’un objet très ancien qui convoque des histoires et des légendes communes à l’ensemble du continent américain.
On pense que le premier peuplement de l’Amérique a pu avoir lieu il y a environ 40 000 ans, à l’occasion de l’abaissement des niveaux marins. Des groupes de population de l’actuelle Sibérie orientale auraient gagné l’Alaska grâce à un pont terrestre éphémère, la Béringie, rendu possible par une baisse temporaire du niveau des mers. Ces populations de quelques milliers d’individus se sont ensuite diffusés progressivement sur le continent américain, de l’actuel Canada à la forêt amazonienne, propageant ainsi un ensemble de croyances communes qui ont évolué de façon autonome aux quatre coins de l’Amérique, mais qui ont conservé un socle commun.
Et dans ce socle, on retrouve notamment une croyance étroitement associée à l’attrape-rêve : la vénération d’une déesse araignée, souvent dénommée « Grand-mère araignée », qui jouerait un rôle central dans la genèse du monde, et qui, dans certaines cultures, ferait le lien entre les différents mondes (le monde terrestre, le monde du ciel, le monde sous-marin…).
Des archéologues ont retrouvé de nombreux objets associés à cette déesse, appartenant à des civilisations très éloignées les unes des autres : la civilisation Moche (localisée sur une partie de l’actuel Pérou), les civilisations mésoaméricaines (Maya, Teotihuacan et Aztèques concentrées sur l’actuel Mexique), le peuple Huichol (vivant dans l’actuelle Sierra Madre occidentale)… Les objets retrouvés ne sont pas de véritables attrape-rêves, mais ils partagent des caractéristiques communes troublantes : ils sont circulaires, mettent en valeur des toiles d’araignée et ont généralement pour vocation de protéger du mauvais sort ou de favoriser la prospérité.
Ainsi, le collier en or comprenant plusieurs toiles d’araignées circulaires retrouvé sur un ancien Lord de la civilisation Moche (Pérou) et datant de plus de 2000 ans, ou les Neali’ka des huichol de Mexico, sortes de dispositifs protecteurs métaphoriques, témoignent d’un vaste réseau de croyances mythologiques complexes autour de l’araignée, et plus largement autour du tissage et du lien collectif.
Mais parmi tous ces objets, seul l’attrape-rêve des Ojibwé a su traverser le temps. Plusieurs facteurs y ont contribué : la fascination progressive des occidentaux pour la culture amérindienne, le hasard des découvertes et malheureusement, la nécessité progressive pour les Ojibwés de marchander leur savoir-faire avec les occidentaux pour subsister, dans un monde radicalement différent et hostile pour leur culture.
Avant que les tisserands navajo ne s'assoient au métier à tisser, ils se frottent souvent les mains dans des toiles d'araignée pour absorber la sagesse et l'habileté de Grand-mère araignée.
Dans les années 90, les attrape-rêves rencontrent un franc succès, en particulier au sein d’une catégorie de la population occidentale qui rejette la croissance industrielle et le consumérisme, et qui considère la culture amérindienne comme un moyen de « réenchanter le monde ».
Néanmoins, ce mouvement de fond se caractérise plutôt par une quête identitaire très individuelle et par un désir immodéré de développement personnel, deux idéaux très éloignés de de la culture amérindienne, qui fait primer le collectif avant toute chose.
Par ailleurs, la grande majorité des attrape-rêves commercialisés sont alors fabriqués à la chaîne, avec des matériaux de faible qualité, dans des pays où la main d’œuvre est bon marché. Cette situation, qui perdure aujourd’hui, révèle l’extrême contradiction entre le symbole noble de l’objet et la mondialisation effrénée qui a conduit à la disparition des peuples autochtones.
En proposant des attrape-rêves d’inspiration amérindienne mais conçus en France, le Nuage et la dune entend respecter les valeurs traditionnellement associés à ces objets : l’artisanat, le fait-main, le localisme (un mode de vie qui privilégie la consommation de produits et objets locaux) et l’unicité.
Le succès des attrape-rêves peut s’expliquer par d’autres raisons :
J'ai aussi choisi "Le Nuage et la dune" pour sa sonorité et sa dimension imaginaire. Ce sont des mots doux et poétiques qui invitent aux rêves, aux histoires, aux contes, aux légendes, à l'enfance.
Enfin, le nuage et la dune font écho à la Côte d'Opale, et plus particulièrement aux dunes de Wissant où mon projet est né.
Le Nuage et la dune
Un jeune nuage naquit au milieu d’une grande tempête en mer Méditerranée.
Mais il n’eut pas le temps d’y grandir ; un vent puissant poussa tous les nuages vers l’Afrique.
A peine avaient6ils gagné le continent que le climat changea ;
un soleil généreux brillait dans le ciel, et au-dessus s’étendait le sable doré du désert du Sahara.
Le vent continua de les pousser vers les forêts du Sud,
vu que dans le désert il ne pleut pas, ou presque.
Cependant, ce qui arrive aux jeunes humains arrive aussi aux jeunes nuages ;
il décida de s’éloigner de ses parents et de ses amis plus âgés,
pour connaître le monde.
« Que fais-tu ? Protesta le vent. Le désert est le même partout !
Rejoins la formation, et allons jusqu’au centre de l’Afrique,
où il y a des montagnes et des arbres extraordinaires ! »
Mais le jeune nuage, d’une nature rebelle, n’obéit pas ;
peu à peu, il perdit de l’altitude, et il réussit à planer sur
une brise douce, généreuse, près des sables dorés.
Après une longue promenade, il s’aperçut qu’une dune lui souriait.
Il vit qu’elle aussi était jeune, formée récemment par le vent qui venait de passer.
Il tomba amoureux sur-le-champ de sa chevelure dorée.
« Bonjour, dit-il. Comment est la vie en bas ?
– J’ai la compagnie des autres dunes, du soleil, du vent, et des caravanes qui de temps en temps passent par ici. Il fait parfois très chaud, mais c’est supportable.
Et comment est la vie là-haut ?
– Il y a aussi le vent et le soleil, mais l’avantage c’est que je peux me promener dans le ciel, connaître beaucoup de choses.
– Pour moi, la vie est courte, dit la dune. Quand le vent reviendra des forêts, je disparaîtrai.
– Et cela t’attriste ?
– Cela me donne l’impression de ne servir à rien.
– Je ressens la même chose. Dès que passera un vent nouveau, j’irai vers le sud et je me transformerai en pluie ; mais c’est mon destin. »
La dune hésita un peu, puis déclara :
« Sais-tu qu’ici, dans le désert? nous appelons la pluie "Paradis" ?
– Je ne savais pas que je pouvais devenir si important, dit fièrement le nuage.
– J’ai entendu des légendes racontées par les vieilles dunes.
Elle disent qu’après la pluie nous sommes couvertes d’herbes et de fleurs.
Mais je ne saurai jamais ce que c’est, parce que dans le désert il pleut très rarement. »
A son tour le nuage hésita. Mais bien vite un large sourire lui revint.
« Si tu veux, je peux te couvrir de pluie. Je viens d’arriver, mais je suis amoureux de toi,
et j’aimerais rester ici pour toujours.
– Quand je t’ai vu pour la première fois dans le ciel, moi aussi je suis tombée amoureuse, dit la dune.
Mais si tu transformes en pluie ta belle chevelure blanche, tu vas en mourir.
– L’amour ne meurt jamais, répliqua le nuage. Il se transforme ;
et je veux te montrer le Paradis. »
Et il commença à caresser la dune de petites gouttes ;
ainsi il demeurèrent ensemble très longtemps,
jusqu’au moment où apparut un arc-en-ciel.
Le lendemain, la petite dune était couverte de fleurs.
D’autres nuages qui se dirigeaient vers l’Afrique,
croyant que se trouvait là une partie de la forêt qu’ils cherchaient,
déversèrent leur pluie.
Vingt ans plus tard, la dune était devenue une oasis,
et les voyageurs se rafraîchissaient à l’ombre de ses arbres.
Tout cela parce qu’un jour un nuage amoureux
n’avait pas craint de donner sa vie par amour.
Paulo Coelho – La nuage et la dune
(histoires courtes, extrait : « Comme le fleuve qui coule » )
Le mot « attrape-rêve », choisi il y a près d'un siècle par une ethnologue occidentale, ne traduit pas fidèlement sa complexité : il ne consiste pas seulement à filtrer les mauvais rêves des bons rêves, mais à filtrer l’ensemble des éléments et événements négatifs pouvant survenir au quotidien (voir l'article détaillé sur la signification des attrape-rêves).
De nos jours, on recommande généralement d’accrocher les attrape-rêves près du chevet du lit, comme s’ils veillaient sur la personne endormie.
Cet usage n’est pas réellement fidèle à celui des amérindiens traditionnels, mais il s’adapte à nos modes de vie, radicalement différent des leurs. Les amérindiens pouvaient dormir à la belle étoile pendant les périodes intenses de chasse ou en famille dans des « tipis » ou des « wigwams », sortes de cabanes temporaires traditionnels en forme de dôme ou de cône, faites de bois et d’écorce de bouleau. Chaque membre de la famille ne disposait pas d’une chambre personnelle, dans laquelle il pouvait accrocher son attrape-rêve.
On suspendait donc un attrape-rêve pour toute la famille dans la pièce commune, sur l’une des perches qui supportaient l’ensemble de l’habitation, parfois à la porte lorsque le temps le permettait. Mais on ne les cantonnait pas à cet emplacement. Les chasseurs en quête de chance n’hésitaient pas à confectionner de petits attrape-rêves qu’ils attachaient à leurs vêtements déjà richement parées. On accrochait souvent de petits attrape-rêves au-dessus des porte-bébés traditionnels, les tikanagan, pour protéger les bébés, plus fragiles, des aléas de la vie.
Aujourd’hui, les pièces de vie sont multiples et nos vies sont sédentaires : il faut donc choisir un emplacement définitif pour fixer l’attrape-rêve, et la chambre fait partie des choix les plus avisés.
Pour les Anichinaabés, la valeur des rêves était sans commune mesure avec celle qu’on leur accorde aujourd’hui. Très tôt, on explique aux enfants amérindiens que les rêves aident les rêveurs à mieux s’adapter au monde et qu’ils agissent comme des portails de communication avec les personnes « surnaturelles ». Pour ceux qui savent les décrypter, ils donnent des éléments et des informations capitales pour les succès futurs de la chasse, les décisions stratégiques à prendre pour le campement, la gestion du quotidien... C’est pourquoi les jeunes enfants sont encouragés à retenir leurs rêves très tôt, à les raconter et à les analyser. Plus une personne rêve, plus elle sera éclairée, inspirée, chanceuse, créative. On prétend ainsi que les personnes qui décorent le mieux leurs vêtements et leurs habitations sont celles qui rêvent le plus. Ainsi, les Ojibwés pensent que tout ce que peut faire un homme à la chasse, il doit le rêver d’abord.
Certains rêves sont différents : ils font intervenir des « visiteurs » (les powatakan), qui peuvent être des humains (vivant ou morts), des animaux ou des éléments sacrés (le feu, le vent, le soleil…). Ces « visiteurs » sont particulièrement recherchés et vénérés, parce qu’on considère qu’ils ont de grands pouvoirs pour aider les rêveurs dans leur vie réelle, mais ils peuvent également les blesser et affecter négativement leur existence.
C’est ici que l’attrape-rêve prend tout son sens : grâce à sa toile, il va contribuer à ne laisser « entrer » que les « visiteurs » bienveillants, et à écarter les « mauvais visiteurs ».
Ces croyances peuvent paraître saugrenues aujourd’hui dans le monde occidental, mais elles ont pourtant été partiellement validés par la communauté scientifique au cours des dernières années.
Divers travaux ont montré que nous faisons deux types de rêves :
Sans les connaissances scientifiques modernes, les amérindiens ont bâti un système de croyances étonnement proche de la réalité. L’attrape-rêve est le symbole de ce système en voie de disparition. Il se heurte à la vision occidentale dominante qui sacrifie le sommeil, le sens du collectif, le folklore, l’écoute de soi et l’observation.
L’avoir près de soi, avant d’aller se coucher et en se levant le matin, aide à se rappeler que chacun de ses éléments sont importants dans la vie de tous les jours.
Pas nécessairement.
Cette recommandation peut s'expliquer par la légende de l'attrape-rêve, rapportée par plusieurs groupes ethniques amérindiens : les esprits malveillants capturés par la toile de l'attrape-rêve sont brûlés par les premiers rayons de l’aube. On a donc tendance aujourd'hui à les diriger vers l'Est, depuis lequel le soleil se lève, ou à les accrocher sur le mur le plus à l’est de la chambre.
En réalité, ce genre de préconisation n'a pas été mentionnée dans les récits rapportés par les premiers explorateurs. La plupart des amérindiens, comme les ojibwés, confectionnaient leurs habitats temporaires de façon à ce que la porte soit tournée vers l’est, surtout en hiver, et si possible face à un cours d’eau. Sur le plan culturel, on expliquait cette décision par la portée symbolique de l’Est, direction sacrée du soleil levant, à laquelle on associait la connexion au « grand mystère ». Sur le plan pratique, ce choix permettait surtout de se protéger des grands vents froids du Nord-ouest américain (1). Un tipi était donc rarement tourné vers le nord, et par conséquent, l'attrape-rêve (quand il était accroché à la porte) non plus.
En cas de nécessité, pour maximiser les chances de survie, les amérindiens n’hésitaient cependant jamais à s’adapter aux conditions de leur environnement, quitte à rompre momentanément avec leurs coutumes. Et dans ce cas, les tipis et les attrape-rêves pouvaient être tournés dans toutes les directions, sans que cela ne pose de problème. Rappelons également que les attrape-rêves n'étaient pas toujours suspendus à la porte : ils étaient fréquemment accrochés à une perche centrale, et pouvaient donc tournoyer dans toutes les directions.
Placer l’attrape-rêve sur le mur le plus proche du soleil levant (vers l'est), et éviter le nord, peut donc traduire le besoin de renouer avec les croyances et les rites traditionnels, voire constituer un hommage aux peuples autochtones. Mais dans les faits rapportés par la littérature, le pouvoir de l’attrape-rêve ne semble pas dépendre de son emplacement : les améridiens en accrochaient fréquemment sur les porte-bébés traditionnels ou sur les vêtements, sans s'occuper des points cardinaux. Lesquels n'étaient de toute façon pas les mêmes que les nôtres !
En résumé, les attrape-rêves peuvent être accrochés partout où l’on a besoin d’avoir de la chance ou d’éloigner les mauvais coups du sort. C’est la raison pour laquelle on trouve autant d’attrape-rêves dans les voitures, bien qu’il ne s’agisse évidemment pas d’un usage traditionnel. On peut le comparer à l’usage qu’en faisaient les chasseurs amérindiens, conscients qu’ils avaient besoin d’un peu de chance pour faire les bonnes rencontres et toucher la cible (à propos, lire Est-ce que ça marche vraiment, les attrape-rêves ?).
Quelques idées d’emplacements idéals :
Références
1. Tanner, Adrian. Bringing Home Animals: Religious Ideology and Mode of Production of the Mistassini Cree Hunters. London: Memorial University of Newfoundland, 1979.
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